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Marc SANGNIER
(né le 3 avril 1873, Paris VIIe ; mort le 28 mai 1950, Paris VIIe).

Petit-fils de l’avocat bonapartiste Charles Lachaud (1817-1882), défenseur de Mme Lafarge, de Bazaine, de Courbet, qui eut notamment comme collaborateur Léon Gambetta, et de Louise Ancelot (1825-1887), légataire universelle d’Alfred de Vigny familier du salon littéraire de sa mère.

Fils de Félix Sangnier (1834-1928) et de Thérèse Sangnier-Lachaud (1846-1920) qui le marqua d’une éducation profondément chrétienne. Il fit ses études au Collège Stanislas de 1879 à 1894. Influencé par le Père Gratry, Eugène-Melchior de Vogüé, il connut aussi à Stanislas Maurice Blondel. Ce furent, cependant, les Pensées de Pascal qui constituèrent, sa vie durant, son seul livre de chevet. Prix de philosophie au Concours général de 1891, il réussit le concours d’entrée à Polytechnique en 1895, après un premier échec l’année précédente. Il obtint aussi une licence en Droit en 1898. Cependant, dès 1899 il se consacra exclusivement au Sillon. D’abord journal philosophique de Paul Renaudin (1894), le Sillon héritait d’une histoire militante née autour de Marc Sangnier, son condisciple de Stanislas. Celui-ci, dans le contexte du « Ralliement » des catholiques à la République prôné par Léon XIII, transforma le petit cercle poétique et littéraire du collège en un lieu de réflexion politique économique et social baptisée « La Crypte ». Comme il le rappelle dans Autrefois, il s’agissait de « planter le grand arbre du christianisme démocratique et social ».

En 1899, le Sillon devint l’organe d’un vaste mouvement d’éducation populaire démocratique et religieuse lancé par Marc Sangnier, mêlant jeunes ouvriers et jeunes bourgeois. Le Sillon voulait réconcilier les ouvriers et le christianisme, l’Église et la République en dépassant l’alternative catholiques donc monarchistes / républicains donc anticléricaux. Puisant dans le vivier des patronnages, le Sillon se greffa sur la végétation des cercles d’études catholiques dont il fédéra un grand nombre autour de lui avant de les absorber en 1905. Ces lieux d’étude, de réflexion, de discussion, se complétèrent, dès 1901, d’instituts populaires destinés aux cours et aux conférences sur des sujets réclamés par les cercles. Lors du congrès national de 1905, près de mille cercles de toute la France furent représentés. En 1906, on comptait 46 % d’ouvriers, 27 % d’employés, 12 % de professions libérales, 9 % d’ecclésiastiques et 3 % de patrons.

Ce succès manifestant le retour d’ouvriers vers l’Église valut au Sillon l’appui quasi unanime de l’épiscopat français. En 1903 et 1904, les pèlerinages à Rome de son élite, la « Jeune Garde », lui obtinrent la bénédiction du pape Pie X. De 1899 à 1906, ce furent les « beaux temps du Sillon ». Cet appui permit au Sillon de prendre ses distances avec l’A.C.J.F. avec laquelle il était en concurence. Il se tenait aussi à distance des « ralliés » (Jacques Piou, Albert de Mun) comme des « abbés démocrates » (l’abbé Lemire, l’abbé Gayraud) malgré l’admiration professée à l’égard de tel d’entre eux. Catholique, il se heurta à l’extrême-gauche marxiste ou libertaire. Le « meeting sanglant » à la fin duquel ses membres furent violemment matraqués (1903) en fut l’épisode le plus marquant.

Leurs convictions républicaines leur valurent d’être les cibles de l’Action française dès 1906. C’était au temps du « plus grand Sillon » ouvert à des non-catholiques de bonne volonté partageant les mêmes préoccupations sociales et politiques. Dans le contexte de la crise moderniste et de la Séparation des Églises et de l’État, cette évolution d’un mouvement catholique fut largement blâmée par les évêques français déjà réticents à l’autonomie des laïcs et refusant l’indépendance d’esprit du jeune clergé sillonniste. Tous ces éléments et des maladresses de langage - l’emploi d’un vocabulaire néo-kantien - suscitèrent la lettre pontificale « Notre charge apostolique » du 25 août 1910 : les chefs du Sillon furent invités à s’en retirer et celui-ci, épuré de ses erreurs doctrinales, à se placer sous la direction des évêques pour l’action catholique. Marc Sangnier et ses amis se soumirent sans discussion, abandonnant l’action religieuse pour l’action politique.

Celle-ci s’organisa d’abord autour d’un quotidien, La Démocratie, puis, deux ans plus tard de la Ligue de la Jeune-République (1912). Elle en appelait à une « IVè République » vraiment démocratique et proposait un programme original : la fin de l’anticléricalisme sectaire rejettant les catholiques hors de la cité et indigne de la République ; le refus de la lutte des classes comme principe et de la violence comme moyen ; l’égalité civique pour les femmes ; le scrutin à la proportionnelle ; l’éducation permanente des citoyens ; une totale transparence de la vie politique, avec, notamment, la disparition de la diplomatie secrète ; le remplacement du Sénat par une chambre représentant les intérêts économiques ; le développement d’une législation sociale préfigurant celle de 1945 ; l’abolition de la « monarchie dans l’usine » en supprimant la propriété capitaliste au profit d’un secteur d’État pour certaines industries ou services clefs, d’une propriété coopérative pour la grande majorité des activités économiques et par le maintien de la petite propriété privée. Soulignons que dès le Sillon - et jusqu’à la mort de Marc Sangnier, la forme coopérative fut la structure retenue pour toutes les réalisations concrètes (restaurants, imprimerie, gestions des immeubles...).

La guerre suspendit la Jeune-République. Mobilisé comme lieutenant du génie en 1914, Marc Sangnier eut l’occasion de s’illustrer. Après dix-huit mois au feu, il fut envoyé officieusement auprès du pape par le gouvernement français. En 1918, il fut chargé de « conférences de propagande morale » auprès des soldats. En 1919, il revint avec la Croix de guerre, la Légion d’honneur et le grade de commandant. Élu député du Bloc national (1919-1924), il défendit à la Chambre le programme jeune-républicain. Surtout, il s’engagea en faveur de la paix par la réconciliation franco-allemande et le « désarmement des haines » et défendit l’arbitrage d’une S.D.N. démocratique et munie d’une force de police. En 1923, il condamna l’occupation de la Ruhr décidée par le gouvernement Poincaré. Isolé à la Chambre, son pacifisme empêcha la fusion durable des éléments démocrates-chrétiens. Les plus conservateurs dans ce domaine fondèrent en 1924 le Parti démocrate populaire. Trop atypique pour être réélu en 1924, ses échecs électoraux répétés le conduisirent en 1932 à abandonner la Jeune-République et l’action politique. Il se consacra alors totalement à l’éducation pacifiste.


Le combat pour la Paix fut le coeur de son engagement dans l’entre-deux-guerres. Il anima des Congrès démocratiques internationaux pour la Paix de 1921 à 1932 dans le but de d’unir les pacifistes de tous les pays et de frapper les opinions nationales. Celui tenu en 1926 dans son domaine de Bierville, près d’Étampes, rassembla plus de cinq mille personnes. Au cours des années 1930, ce combat s’organisa autour de structures concrètes : Le Foyer de la Paix de Bierville, centre de rencontre, d’hébergement et refuge pour des exilés allemands ou catalans ; on trouvait aussi à Bierville la première Auberge de la Jeunesse française, l’Épi d’Or (1929) ; la Ligue française pour les Auberges de la Jeunesse fut fondée l’année suivante pour ouvrir la jeunesse populaire à l’autre et à de nouveaux horizons ; enfin le journal l’Éveil des Peuples où Pierre Cot et René Cassin, notamment, signèrent des articles. S’il fut munichois malgré son horreur du nazisme, Marc Sangnier mit pendant la Deuxième Guerre mondiale son imprimerie au service de la Résistance ce qui lui valut d’être incarcéré quelques semaines à Fresnes.

la Libération, président d’honneur du M.R.P., il fut député de Paris sous les couleurs de ce mouvement.
C’était la consécration de nombre de ses idées.
Toute une génération de militants catholiques largement marquée par lui arrivait au pouvoir. Citons tout particulièrement les noms de Maurice Schumann, alors président du M.R.P., de Francisque Gay et d’Édmond Michelet.

A l’occasion de sa mort à la Pentecôte 1950, la République et l’Église lui firent l’hommage de funérailles presque nationales à Notre-Dame de Paris, en présence des représentants de tous les partis.

Olivier Prat

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BIBLIOGRAPHIE DE MARC SANGNIER

 

  • Discours - 10 tomes

Tome I - 1891-1906
Tome II - 1906-1909
Tome III - 1910-1913
Tome IV - 1912-1913
Tome V - 1913-1919
Tome VI - 1919-1922
Tome VII - 1922-1923
Tome VIII - 1923-1925
Tome IX - 1925-1929
Tome X - 1930-1937

 

  • L'Education sociale du Peuple, Paris, Rondelet, 1899Le Sillon, esprit et méthodes, Au Sillon, 1905
  • L'Esprit démocratique, Paris, Perrin, 1905
  • Par la mort, Au Sillon, 1905
  • Une méthode d'éducation démocratique, Au Sillon, 1906
  • Au lendemain des élections (sous le pseudonyme de François Lespinat), Au Sillon, 1906
  • La Vie profonde, Paris, Perrin, 1906
  • Le Plus Grand Sillon, Au Sillon, 1907
  • La Trouée, Au Sillon, 1908
  • Devant l'affiche, Au Sillon, 1908
  • Chez les fous, Au Sillon, 1908
  • La lutte pour la démocratie, Paris, Perrin, 1908
  • Dans l'attente et le silence, Au Sillon, s.d. Aux sources de l'éloquence, Paris, Bloud et Gay, 1908
  • Conférences aux soldats sur le front, Bloud et Gay, 1918
  • Ce que savent les jeunes Français d'aujourd'hui, La Démocratie, 1918
  • Le Val noir, La Démocratie, 1919
  • L'Ame commune, 1920-1921
  • L'Anniversaire, La Démocratie, 1928
  • Le manuel du Volontaire de la Paix, La Paix par la Jeunesse, 1928
  • Albert de Mun, Paris, Alcan, 1932
  • Autrefois, Paris, Bloud et Gay, 1933
  • Le Pacifisme d'action, Paris, Foyer de la Paix, 1936
  • Le Combat pour la Paix, Paris, Foyer de la Paix, 1937
  • Histoire des Auberges de la Jeunesse édité par " Les Auberges ", 1946